On pourrait croire qu’il l’a bâtie lui même…
La célébrité de la montagne Sainte-Victoire doit tellement aux toiles de Cézanne qu’on se demande si elle était là avant qu’il ne la peigne. Pourtant d’autres peintres, avant lui, l’avaient prise comme décor mais Cézanne en a dévoilé la personnalité.
Cette vaste paroi de pierre claire, aux arrêtes aigües et aux plans multiples, à la queue mystérieusement plongée dans le sol, accroche la lumière comme aucun autre lieu. Au grès des heures, elle est blanche, rose, grise puis bleue, elle s’éloigne, se rapproche puis s’estompe.
Le peintre aixois a représenté ce massif de calcaire environ quatre-vingts fois, cherchant à saisir ses nuances, ses humeurs, ses volumes. Il l’a vue et peinte partout : derrière les marronniers de la bastide du Jas de Bouffan, la demeure familiale ; au delà des rochers de la carrière ocre de Bibémus ; derrière Château Noir, sur la route du Tholonet. Il l’a vue longue et massive près de Gardanne. Depuis son atelier des Lauves, elle devient triangle.
Nombreux sont les photographes qui sillonnent la région sur les pas du peintre pour tenter de capter toute la richesse de ce paysage.
Rien ni personne n’a jamais pu déboulonner la majestueuse montagne qui impose la mémoire de Cézanne mais Aix a très tôt tourné le dos à l’artiste et les Saintes-Victoires ont été éparpillées à travers le monde, faisant le bonheur des musées et des collectionneurs loin de sa ville natale.
Picasso, qui admirait profondément Cézanne, eut ce trait d’esprit lorsqu’il a acheté le château de Vauvenargues que l’on voudrait, avec un sourire, attribué à cette pénurie : « J’ai acheté la Sainte-Victoire de Cézanne. Non, pas un tableau, l’original ! »
L’exposition qui se déroule au musée Granet jusqu’au 1er avril 2018, retrace l’histoire de ce rejet et démontre comment la ville d’Aix cherche à ramener « Cézanne at home ».